Je fais un retour en arrière et me retrouve en août 1939. Après avoir vécu presque trois années de caserne, trois années qui gardent une certaine beauté, car depuis que de malheurs et de tristesses. Je garderais toujours à l'esprit ces derniers jours de permission. Depuis le 12, je vivais des heures délicieuses au milieu de ma famille, au coté de ma petite Marie, de temps à autre, quelques nouvelles sur la situation amenaient un peu d'inquiétude, mais depuis septembre 1938 nous en avions un peu pris l'habitude. Mais voici le 22, le soir je me trouvais au milieu de ma famille, en un souper d'adieu à la maison de ma soeur Marinette, lorsque sur la fin on vient frapper à la porte. Un voisin de mes parents se présente, apportant avec lui ce petit billet que tant de camarades reçurent ce jour là non sans un peu d'émotion. Ordre de rentrer au quartier immédiatement, la fin du repas fut triste, la conversation se mit à rouler sur la situation car cela prenait une tournure grave. Je m'octroyais quelques heures de plus le lendemain. Là, je passais la matinée avec ma petite Marie, elle aussi bien triste, et le midi je reprenais le chemin de la gare en compagnie de mon père.
Lorsque je me rappelle ces dernières paroles, j'admire sa clairvoyance, car il me dit ses craintes : « la guerre est imminente et cette fois elle sera longue, tu passeras au moins autant que moi, me dit il, peut-être même plus ». La suite lui a donné raison. J'arrivais au quartier Boufflers dans la nuit, là je me rendis compte que les préparatifs étaient avancés, le matériel aligné déjà dans la cour comme pour le départ. Le lendemain, je me retrouvais avec les camarades échangeant nos idées, il y aura peut-être un nouveau Munich comme disaient certains, tant qu'à moi, je n'avais pas d'illusions à ce sujet depuis longtemps, aussi je ne fus pas étonné le dimanche matin de voir le 75ème prendre la route de la gare pour s'embarquer. Je ne regrettais qu'une chose, c'était de ne pouvoir partir avec mes camarades. Je disais adieu à tous ceux qui avaient vécu là quelques années d'insouciance, Dupé, Orts, Foulatier, tous les gars de Bretagne, car il y avait 70% de ces fiers gars au 75ème d'artillerie à cheval, tous joyeux compagnons, mais rudes à l'ouvrage.
quelques jours après ce fut la terrible nouvelle du 3 septembre. Je repense souvent à vous chers camarades, qu'êtes-vous devenus, captifs, d'autres je ne puis y songer sans amertume, sont restés en quelque coin du nord de la France, et tout cela dans quel but, emplir les poches de ces messieurs de l'internationale du capitalisme, il ne devait pourtant rien y avoir, la paix devait être maintenue par un nouveau Munich. Que d'erreurs, je me souviens d'une discussion qui fut chaude, à l'annonce des accords de Munich en 1938. Oh ! Quelle foi, la paix était sauvée, mais à quel prix mes chers camarades, et lorsque je pris la parole en disant que c'était reculer pour mieux sauter, je fus traité de belliciste. Et oui, j'eus bien voulu m'être trompé, mais ce n'était pas possible, n'est-ce pas Metzer ; depuis nous avons le temps de méditer.
Donc après ce départ, je restais à traîner mon ennui dans ce maudit quartier. Novembre et décembre se passèrent sans incident, arrive janvier, le pire, je suis convoqué pour passer au conseil de réforme comme tous les auxiliaires, ainsi que les ajournés. Ce fut vite fait, presque tout le monde fut trouvé bon, à part quelques uns chez les civils furent classés auxiliaires.
Après ce, les affaires ne traînèrent pas. Le 10 nous partions, ayant abandonné la tenue horizon du dépôt pour la tenue kaki, ce fut d'ailleurs le début de la neige de ce terrible hiver. Ce matin au moment de notre départ, nos bagages furent expédiés en auto à la gare, et nous priment la route à pieds pour embarquer, nous étions une soixantaine, le voyage fut monotone à part un petit accroc à Orléans avec un gars de Paname. Petite bagarre suivie d'une réconciliation en règle avec un coup de gros rouge. Ensuite nous découvrirent Bordeaux dans la neige, chose assez rare le soleil du midi ne voulut pas nous faire risette ce jour là.
L'arrivée à Tarbes eut lieu sans incident. La soirée fut triste car il n'y avait qu'un chauffage dans ce maudit quartier Reffy, ancienne résidence du 19ème malgache. Il y eut heureusement de l'amélioration par la suite. Pendant trois semaines je fus de garde aux portes tous les deux jours, cela ne m'allait pas beaucoup car il y avait en ce poste de formation d'artillerie une multitude d'officiers, alors ! Enfin il y avait un peu de distraction quand même, rien que ce nouveau quartier à visiter car notre curiosité était éveillée par la vue de cette magnifique chaîne des Pyrénées que nous pouvions contempler de nos chambres. Oh ! Lever de soleil splendide dont je me souviendrais toujours ; sans cesse une nouveauté dans cette féerie de la montagne. Malheureusement il ne me fut pas permis d'aller le voir de plus près car au bout de trois semaines je rentrais aux cuisines, et là adieu les journées de promenade, même le dimanche.
Pourtant je fis un voyage à Lourdes, je me souviens, nous étions partis à trois camarades, un dimanche pleurnichard, et dans la journée nous ramassions quelques belles averses. Malgré tout ce fut intéressant, nous visitions un peu la ville, qui est d'ailleurs assez pittoresque, notre étonnement fut grand devant le nombre de « parures » de la sainte de Lourdes, en temps de paix le commerce doit y être florissant, mais à l'époque, il n'y avait guère que quelques pauvres troupiers comme nous. La basilique, elle, je ne puis dire qu'une chose, c'est quelle est magnifique, placée dans un cadre grandiose, d'une construction imposante, et renfermant des merveilles. Je comprends que certains nerveux en reviennent guéris. Pour ce qui est de la grotte, c'est plutôt bien médiocre, la colline qui se trouve à coté est beaucoup plus intéressante avec son chemin de croix qui est d'une rare beauté. De là le panorama est splendide : d'un côté la vallée du Gave bleu, en face le Pic du Gers, qui semble protéger Lourdes contre les géantes cimes neigeuses de la chaîne pyrénéenne, paysage dont je garde un souvenir impérissable.
Ce soir là nous rentrâmes contents dans notre morne Tarbes. La vie s'écoulait, monotone, Lorsqu'au mois de février, les touts derniers jours, on nous envoya en permission, car l'heure approchait de partir pour le front. Oh! Jours de bonheur, derniers de quarante, au milieu de mes parents, au côté de ma petite Marie, dont la présence m'est si chère, qui a été et est mon rayon de soleil, qui illumine mes tristes jours de captivité. Car lorsque le cafard vient, une image vient de suite s'interposer et immédiatement le courage revient. Ce furent des jours bénis, mais tout à une fin, le seize mars ce furent les adieux.
Je partis confiant, rassurant mon monde comme je le pus. Oh! Ce ne sera pas long, à la fin de l'année... Retour à Tarbes, quelques jours puis en route vers un petit village boueux à cinq kilomètre de Tarbes, Ibos, arrivée là réexpédiés cinq kilomètres plus loin a Ossun. Là je retrouvais un adjudant-chef du 75ème, Bardin, brave homme, aimant ses hommes, un peu aussi la dive bouteille. Je restais 15 jours avec lui et ce ne fut pas sans regret que je le quittais pour revenir à Ibos, où se formait le 82ème RANA ou j'étais versé, au PC ou je me présentais.
Je fus reçu cordialement par un jeune lieutenant, mais il ne me rassura pas en me donnant mon affectation. J'appartenais à la deuxième batterie du capitaine Leclerc, homme extrêmement à cheval sur le service, mais juste, cela je dois le dire, c'était un chef véritable, sa batterie avait le surnom d'être de fer, on me le dit extrêmement dur, aussi je n'étais qu'à demi rassuré lors que je lui fus présenté, mais tout alla pour le mieux. Voyant que je venais du 75ème, il me demanda si je connaissais un de ses amis, le capitaine Lacau, justement c'était mon ancien chef de batterie, avec qui d'ailleurs j'étais dans les meilleurs termes, aussi ce fut une première rencontre pleine de cordialités, où nous repassions les souvenirs de Fontainebleau où il avait été moniteur à l'école d'artillerie.
Je fus tranquille et tout allais au mieux, entre l'instruction, je travaillais comme tailleur et magasinier. Je travaillais pour le capitaine et les officiers, assez souvent, ce qui me valut d'être toujours bien vu par ces messieurs. Mais tout a une fin, les derniers (jours) d'avril, certains bruits coururent que nous partirions pour la Syrie ; les premiers jour de mai furent fébriles, le 10 nous apprenions l'offensive allemande. Le 17, nous étions prêts pour le départ.
Ce fut l'embarquement dans une soirée pluvieuse ; après trois jours de voyage ou les bobards les plus cocasses se donnèrent à la pelle : pour commencer c'était la Syrie, ensuite le camp de Coëtquidan, après la frontière italienne, pour finalement aboutir à Lagny un peu au dessus de Paris le 19. Là alors finit le beau temps. Il fallut d'abord débarquer en vitesse car les avions venaient de couper la ligne de chemin de fer entre Meaux et Lagny. Personne ne se ménagea, heureusement, car il n'y avait pas cinq minutes que nous étions sortis de Lagny que les bombes tombaient sur la gare, nous avons eu chaud. Dans l'après midi nous trouvions notre premier cantonnement, dont je ne me souvient plus du nom.
Le lendemain ce fut de nouveau la route, puis nouveau cantonnement cette fois dans une immense ferme peu éloignée de Plessis l'Evèque, nous passions là deux jours au calme, la camaraderie grandissait. Je vais d'ailleurs présenter l'équipe de ma pièce, la 2ème. Le chef de pièce, Flinden, excellent camarade, mais pas assez énergique, deux jeunes de la classe 40, Pinal pointeur de Metz, plein d'allant comme Lukasik, celui là capable d'héroïsme, garçon extrêmement calme, je ne t'oublierais jamais, Dalteil, du Lot, âgé d'une bonne trentaine, peu nerveux n'ayant rien à faire au front, Denis bon camarade aussi du même pays, peu brave comme Lavastrou lui aussi de la même contrée mais bon buveur, six conducteurs indigènes et le brigadier Dupuis de Toulouse, excellent garçon prêt a tout, déjà blessé durant l'hiver où il servait dans les chenillettes d'infanterie, notre chef de section, le lieutenant Bergargnan, excellent homme, un peu jeune pour de telles responsabilités car si j 'ai bonne mémoire il était de la (classe) 41, le capitaine Leclerc, je l'ai déjà présenté, je parlerais de notre commandant Lalanne, homme glacial mais d'une justice et d'une bravoure exemplaires, je le verrais toujours là debout devant nous devant le danger, aussi calme que si nous étions à l'exercice. Donc voici terminée la présentation des hommes avec qui j'allais vivre mai et juin 1940, deux mois qui compteront dans l'histoire.
Le 22 nous partons, la matinée se passa sans incident. Par contre au début de l'après-midi, nous eûmes alerte, nous cheminions tranquillement sur une belle ligne droite, pas un arbre, des champs de luzerne de chaque côté de la route, quand tout à coup surgit d'au-dessus d'un petit bois distant d'une centaine de mètres de nous un superbe bimoteur a la croix de fer, il s'ensuivit un gros émoi. Tout le monde à terre en quelques secondes, mais l'oiseau était touché, et notre mitrailleur lui en envoyait encore quelques uns dans la peau. Une heure après nous retrouvions après quelques kilomètres notre gibier gisant à plat ventre au milieu des champs, l'équipage était prisonnier et nous apprenions que leur mitrailleur avait été tué par le tir du notre. D'après le tableau du bord, ils avaient participé au bombardement de Lyon le matin même, et là ils s'étaient fait secouer par deux chasseurs de chez nous.
Le soir nous cantonnions à Auj en Muletien. Nous devions y rester deux jours. Le premier jour nous eûmes une forte émotion, a trois cent mètres en arrière de nous se trouvait un camp d'aviation de chasse, vers midi à l'heure où nous étions occupés à dîner, surgissent trois appareils, dont un qui se met a descendre en piqué sur le hangar où nous cantonnions, notre mitrailleur qui était à son poste ouvre le feu dessus, celui-ci répond, ce fût une jolie panique, me trouvant sur le côté du hangar, je m'en écartais un peu, juste à temps pour voir l'appareil se redresser et distinguer nos trois couleurs s'étalant sur l'aile du Potez, qui allait se poser sur le terrain d'aviation. Quelques minutes plus tard, l'adjudant qui pilotait fit irruption au cantonnement où il y eu une belle algarade entre lui le mitrailleur et notre capitaine, enfin l'affaire se tassa.
Par la suite la journée fut calme ; le soir nous vîmes pour la première fois le tir sur le front, l'artillerie tirait à Crépy en Valois. Le lendemain nous devions avoir du spectacle. La matinée s'écoula très calme par un temps splendide au début de l'après-midi sur notre droite, il y eut un beau carrousel aérien. Un avion s'abattit en flamme, nous n'avons jamais su quelle était sa nationalité ; vers le soir, tout à coup un bruit de moteur nous met en éveil, nous voyons trois appareils venir vers nous. Lorsque trois chasseurs se portent en leur direction. A se moment nous pensions voir de la bagarre, mais ils n'étaient pas décidés, car à notre stupéfaction, nos chasseurs passent et continuent leur route. Pendant ce temps les bombardiers passent au dessus de nous et s'en vont lâcher leurs charges sur deux petits villages en arrière de nous, qui brûleront toute la soirée.
Nous pensions être tranquilles lorsque vers neuf heures j'entendis un bruit de troupes en marche venir d'une route passant sur le côté du village. Je vais voir et là je trouve des chasseurs qui se replient déclarant que les positions d'où ils viennent sont devenues intenables, je n'y comprends encore rien vu que nous n'avions rien entendu ce jour là! Une demi heure après ce fut notre tour, le capitaine arriva en coup de vent, pour nous annoncer de préparer les attelages pour repartir. Quelques minutes après nous reprenions la route pour retourner à Plessis l'Evèque que nous avions frôlé deux jours plus tôt, ce fut un triste voyage par une nuit éclairée de temps à autre par les fusées ennemies.
Donc au matin du 25, nous étions sous un autre toit du même genre que celui que nous venions de quitter ; au cours de la nuit, je pris la garde, pendant ma faction de deux à quatre heures, nous fûmes mis en éveil par des signaux lumineux, après m'être consulté avec mon camarade Lukasik, j 'avertissais Flinden notre chef de pièce qui se rendit compte de lui-même, mais décida d'attendre au matin avant d'avertir les officiers. Au matin, le lieutenant Bergargnan vint de très bonne heure, je le mis au courant. Il s'étonna un peu du retard mis à l'avertir, dans la journée il fut beaucoup question d'espionnage. Le lendemain au matin nous reprenions la route pour aller dans un petit village dont je ne me souviens plus du nom.
Journée sans histoire, mais la situation générale s'aggravait sous le 27. Le 28, nouveau départ pour une longue étape qui nous amenait à la nuit dans la forêt de Chelles. Arrivée mouvementée : au moment où tout le monde se baladait avec les lampes, au dessus de nous passait une vague d'avions. Je fus le premier à les entendre et à jeter l'alarme. Le capitaine se trouvait à coté de moi, il dut menacer de tirer pour faire camoufler les lampes. C'était un beau charivari, sans m'être rendu compte dans le noir je (me) trouvais dans les pattes du cheval du capitaine. Le calme revenu nous montâmes nos tentes, à ce sujet nous eûmes une bonne leçon, car au cours de la nuit se déclencha un violent orage, au matin nous étions à la nage nous apprîmes à notre dépend à chercher un terrain en élévation pour monter notre tente.
Le lendemain fut calme, mais le surlendemain nous prenions notre première position, notre pièce étant la pièce antichars de la batterie. Nous fûmes installés en avant du village de Chelles sur le côté de la route, nous avions ordre d'arrêter les véhicules venant du côté des lignes, par contre un grand vieillard passant sur la route, rien ne lui fut demandé, j'en faisais la remarque à notre chef de pièce, mais il n'en fit rien.
Le soir même nous repartions pour Vic sur Aisne. Nous passâmes là la soirée, dans la nuit nouveau départ nous repassions l'Aisne pour revenir en arrière, c'était le 30. Nous passions derrière Soissons pour aller à la Ville au Bois, petit village, je n'y restais que quelques heures.
Car là nous fûmes désignés, c'est-à-dire la section pour prendre des positions antichars, ce fut l'occasion pour notre capitaine d'envoyer un petit discours sanglant, une mission nous était confiée, nous devions avoir au coeur de couvrir de gloire notre étendard, il nous avertit que nous aurions à faire face à des vagues de « peut-être » deux cent chars. Oh ! Ironie, car une heure plus tard on nous octroyait pour tenir cinq kilomètres, vingt cinq obus à balles autant d'antichars, c'était joli. Nous formions la troisième ligne de résistance avec ordre de tenir coûte que coûte de Weigand. C'était le premier juin. Nous prîmes position à soixante mètres en arrière de Billy, nous allions loger dans ce village à l'usine de cartonnage, en cette même usine se trouvait installée une pièce de 240 sur rail, la première pièce allait elle cinq kilomètres plus loin.
Pour la première fois depuis notre départ de Tarbes je couchais dans un bon lit. Le lendemain nous nous organisions. 2 et 5 juin je faisais la cuisine dans une petite baraque en planches et l'on couchait dans la maison des contremaîtres de l'usine, journées sans histoire quoique la proximité du 240 nous donna quelques inquiétudes.
Le lendemain, le 4, au matin nous eûmes un drôle de réveil. Vers quatre heures et demie, j 'étais réveillé par un vrombissement d'avion, je me levais et je vis dans le ciel un fourmillement d'oiseaux blancs qui me firent une sale impression, c'était les allemands. Mon chef de pièce fut réveillé peu après par le chant des sirènes d'avions qui se livraient à un beau carrousel ; toute l'équipe fut debout en vitesse, notre chef de pièce décidait d'aller dans un abri situé à une cinquantaine de mètres de là.
Pour mon compte, je restais a préparer le jus et éplucher les légumes pour la soupe du midi. A un moment donné l'affaire ayant l'air de se gâter, je lâchais ma cuistance pour voir se qui se passait, je remarquais aussitôt plusieurs escadrilles piquant sur notre cour, tout à coup, je vis un point brillant se détacher d'un appareil. Je compris de suite et me couchais le long du mur ce fut un beau tintamarre, une violente détonation suivie de bruits de verre cassé et de ferrailles, dans ma cuisine mes casseroles elles aussi s'en ressentaient. Je me relevais et allais constater les dégâts : rien de cassé, ma cafetière avait tenu le coup, j 'en profitais pour m'envoyer mon petit déjeuner.
Cette séance ne pris fin qu'à neuf heures du matin et demie, à ce moment mon chef de pièce revint, il commença par me savonner pour n'être pas allé a l'abri, mais il se calma vite car je lui proposai de boire le jus. J'appris que la bombe qui était tombée, était à quelques cinquante mètres juste au bout de l'usine ou nous étions, où nous étions sur la route passant devant au 12ème Étranger. Il y avait deux morts et beaucoup de blessés. A midi nous avions déjeuné lorsque l'on vint du 240 sur rail, nous prévenir d'avoir à évacuer les lieux pour une heure et demie, car ils devaient tirer et il y avait danger à rester devant la pièce, cela ne faisait pas beaucoup notre affaire.
Enfin nous nous mimes a déménager. A une heure et demie le premier coup du 240 était envoyé, il y eut de l'émotion car deux ou trois copains étaient encore dans la maison, et il y avait un tel nuage de poussière et de fumée autour de la maison qu'on ne la distinguait plus. Heureusement nos lascars n'eurent aucun mal, ce fut une leçon. Tous comprirent qu'il y avait une raison d'obtempérer à un ordre donné.
Nous allâmes nous installer dans une ferme à deux cent mètres en arrière, le long de la route Reims-Soisson. La maison avait son pignon à la route, sur le côte une grande cour, où piaillaient une douzaine de poulets, de l'autre côté de la cour, dans l'angle le long de la route existait un abri datant de la guerre de 1914... Donc nous étions encore assez bien installés. Le lendemain fut calme, nous étions le cinq. Au soir, je pris la garde sur la position en compagnie de Lukasik, à sept heures et demie, nous avions mission de travailler jusqu'à la nuit, à creuser la tranchée-abri pour le peloton de pièce et celui des munitions.
Le chef de pièce nous promit d'envoyer du jus vers dix heures. Malheureusement à dix heures et demie rien n'était venu. Je descendis alors le chercher moi-même, ce qui me valut une belle algarade pour avoir abandonné Lukasik, remarquer que nous étions d'accord. De mon côté, je ne pus m'empêcher de leur sortir quelques vérités, ayant travaillé pendant trois heures, nous avions bien droit au bidon de jus pour notre nuit.
Tout se passa bien jusque vers minuit, moment où nous fûmes survolés par un coucou, qui envoya une fusée éclairante. Nous fûmes un peu surpris car c'était la première qu'il nous était donné de voir. Nous étions un peu inquiets car on nous avait annoncé des parachutistes. Enfin comme rien ne se produisit nous retrouvâmes le calme, sans toutefois lâcher nos fusils et ne dormant que d'un oeil. Au matin nous reprîmes le boulot, ce ne fut qu'à neuf heures que l'équipe revint nous relever. Cette fois je me fâchais, le chef de pièce en prit pour son compte, Delteil, lui, ne voulait pas travailler, la guerre ne l'intéressant pas. Je le sermonnais et voyant qu'il ne voulait rien entendre, je m'emportais à nouveau et cette fois alors je me saisis d'une pelle pour appuyer mes arguments. J'eus raison, mais cela augurait mal de l'avenir.
Lukasik et moi redescendions ensuite nous reposer. La journée fut sans histoire a par quelques avions de passage. Le soir vers cinq heures me trouvant en compagnie du chef de pièce en conversation sur la route avec le capitaine de la compagnie du 237 d'infanterie, j 'eus une sérieuse émotion, un fusair étant venu éclater au dessus de nous. Ce fut un beau plat ventre, suivi d'un congé rapide du capitaine et d'un retour précipité vers l'abri. Déjà au cours de l'après midi, pendant que je sommeillais, quelques avions avaient incendié un gros réservoir de mazout le long de l'Aisne, et lâché quelques chapelets de bombes sur l'infanterie le long de la ligne de chemin de fer.
A la tombée de la nuit le fourrier Pilato nous apporta le ravitaillement et le courrier, je reçu la première photo de mon neveu né au mois d'avril ; le pauvre Pilato fut salué par les mitrailleuses d'en face, ce qui se produisait fréquemment, je faillis d'ailleurs en être victime : traversant la cour pour aller à l'abri, je tenais redressée pour (la) contourner la botte de paille qui en protégeait l'entrée lorsqu'une balle vint se ficher dedans. Quelques secondes ?... les cheveux me dressèrent sur le crâne, il n'y avait rien.
La nuit fut illuminée par les incendies de villages environnants. Je m'en vais attaquer la journée du 7, jour qui restera toujours dans mon esprit. Au matin, le lieutenant donna l'ordre de rester sur la position et de se tenir prêt, il n'y avait que moi de reste au cantonnement pour préparer le repas du midi. Je fis des lentilles avec des côtelettes de veau. A une heure, le lieutenant revint à nouveau cette fois pour me faire remonter avec les copains, et je remontais tous les bagages ainsi qu'une bassine de lentilles avec les fameuses côtelettes. Nous devions emprunter la route de Reims pour remonter, il nous fallait la traverser en passant derrière la maison et passer dans le ravin opposé car la route était sous le feu des mitrailleuses d'en face. Nous retraversions la route en face de notre position lorsqu'un vrombissement de moteur suivit du tac tac de la mitrailleuse, nous fit jeter pêle-mêle sur le bas côté de la route. Je reverrais toujours cette scène. le lieutenant était en travers de son vélo, son sac dans le fossé, tandis que pour mon compte, j 'étais écrasé par les bagages tout en ayant conservé dans les bras la fameuse bassine de lentilles. Notre position comique me fit partir d'un rire inextinguible qui me valut des réflexions amères de la part du lieutenant qui ne trouvait pas la plaisanterie à son goût.
Il était une heure et demie arrivé là-haut. Je me mis en devoir de me rhabiller un peu, autour de nous c'était le calme complet, seulement en face de l'autre côté de l'Aisne ces messieurs se promenaient en bras de chemises autour d'un grand hangar. Pinal les avait reconnu, le lieutenant ne voulait pas l'admettre, enfin je décidais tout mon monde à déjeuner. Le Lieutenant ne voulait pas manger, oh! Certes il n'y avait pas de table ni de beaux couverts, je lui fit admettre la nécessité de bien casser la croûte, car je prévoyais que la situation allait se gâter et que nous ne tenions pas encore la soupe du soir. Il se décidait à cacher une belle côtelette sur une tartine et à piquer dans le plat de lentilles. Après ça nous étions d'attaque!
Le Lieutenant disparut de la circulation, je le trouvais assis à l'écart sur le talus à trente mètres de nous, je fus fort surpris de le voir en larmes, je réalisais de suite la situation. Depuis ce matin à neuf heures et demie, pas un coup de fusil, nous étions seuls en face de l'ennemi. Je lui fis part de mes pensées, qu'il confirma. Après quelques hésitations il me fit jurer de ne rien dire à mes camarades. Il avait été en reconnaissance seul vers le pont dont nous avions la garde et avait été accueilli par une salve, il avait ordre d'attendre d'être relevé, nous devions donc attendre.
Vers trois heures, j'étais sur la lisière à quelques cinquante mètres de la position à mettre culotte basse lorsque nos aimables voisins déclenchèrent un violent tir de 77 sur le village devant nous, j'eus vite fait de me reculotter et de retourner à la pièce où je retrouvais mon équipe, mais elle n'était pas brillante, le chef de pièce avait les larmes aux yeux, Delteil tenait des propos défaitistes, Lavastrou pleurait, et Denis avait la tremblote, seuls les deux jeunes faisaient bonne figure, le Lieutenant nous fit préparer, aussitôt l'averse passa, la pièce en position de tir, le calme était revenu.
J'incitai le lieutenant Bergargnan à envoyer une estafette vers la batterie. Il ne voulut pas, craignant que le gars ne puisse passer. La situation devenait sérieuse, lorsque vers cinq heures nous fûmes alertés par le bruit de ferraille venant de la route. Nous y portions nos regards. c'étaient les chars allemands, à cinquante mètres de nous, et impossible de leur tirer dessus, sous peine de voir la crosse du canon descendre dans la gambit à munitions. En face dans la plaine l'infanterie avançait. Tout était fini, il ne nous restait plus qu'à plier bagages et nous replier. Nous avions avant rendu notre pièce inutilisable, car il n'était pas question de l'emmener vu que notre attelage était à cinq kilomètres en arrière avec le gros de la batterie, c'est tout de même la rage au coeur que nous partions sans avoir pu tirer un coup de canon.
Très mauvais début de campagne, nous avions à traverser un champ de blé avant de pouvoir nous enfoncer sous bois. Mes camarades le traversèrent en courant malgré mes appels a la prudence ce qui nous valut quelques coups de fusils, il n'y eut pas de mal, nous regagnâmes la route de Reims que nous étions obligés de traverser pour pouvoir rejoindre Embrief, lieu de repli de la batterie.
Nous avions à peine opéré cette manoeuvre que les chars passaient à nouveau. Nous nous jetions à terre en vitesse, mais au moment de repartir, se produisit un incident qui comptera encore. Le lieutenant piqua une crise de nerfs, j 'appelais notre chef de pièce à l'aide pour essayer de remettre le lieutenant en route, peine perdue, il était parti avec le pointeur Pinal, la situation était sérieuse. Je me trouvais avec un lieutenant hors d'état de nous diriger et des camarades indécis. Je me mis en colère cette fois, et sermonnant le lieutenant, je l'obligeais malgré ses protestations à se remettre en route, j'ordonnais aux camarades de prendre son sac, et prenais la direction de notre petite troupe. Je connaissais la route pour l'avoir faite à deux reprises. Nous suivions la route depuis un moment lorsque nous fumes obligés de nous plaquer au sol pris sous le tir de 77. Là encore je dû employer toute ma force de persuasion pour engager le lieutenant à repartir avec nous. Il se voyait perdu, je lui assurais que tant que nous serions vivants, nous ne le quitterions pas et que son rôle de chef à lui, lui interdisait de nous abandonner dans une telle situation, cela lui redonna un peu de courage, nous reprîmes notre triste route, nous voyons l'infanterie allemande progresser à notre gauche.
Nous fûmes inquiets à la vue de deux chars arrêtés sur la route devant nous, mais ce n'était que deux rescapés français dont l'un ne valait pas cher ayant une chenille hors d'usage. Leurs équipages étaient des braves car ils se mirent à tirer sur l'ennemi tant avec la mitrailleuse de de leur char valide que les autres avec leurs Lebels. Ils nous repassaient peu de temps après d'ailleurs en nous enjoignant d'aller vite car l'ennemi arrivait. Nous rencontrions peu après quatre ou cinq gardes routes qui se joignirent a notre petite troupe. A quelques mètres d'Embrief, je vis tout à coup des chasseurs pyrénéens qui se préparaient à monter, les pauvres gars devaient relever la 237. Je les mis au courant de la situation, aussi fut grande leur stupéfaction. Nous avions à peine traversé le village que le bruit des mitrailleuses nous apprenait qu'il avait pris contact avec les allemands, nous respirions un peu.
Mon lieutenant reprenait courage, quelques minutes après nous rencontrâmes notre capitaine seul à bord d'une petite Citroën qui venait à notre recherche. Il poussa en nous voyant, je le mis au courant des faits, ce qui n'eut pas le dont de le mettre de bonne humeur vis-à-vis du lieutenant Bergargnan qui lui faisait triste mine. Il était encore plus en colère après Flinden et Pinal qui avaient fui. Une demi heure après, nous retrouvions la batterie, je ne sais comment expliquer le bien être que j 'éprouvais à ce moment, le retour au navire après s'être perdu dans le brouillard, mais j 'étais fourbu, car j'avais, en plus de l'effort physique, été soumis à une tension nerveuse intense depuis le midi et il était neuf heures environ.
Notre repli ressemblait un peu à la débandade, car l'artillerie lourde faisait comme nous. Je vis les premiers morts, quatre chasseurs, tués dans une maisonnette ainsi qu'un cheval qui avait les pattes de devant coupées, le tout par la même bombe. Quelques temps après, je dormais sur un avant train lorsque je me retrouvais a terre. l'attelage du milieu ayant tourné trop court dans un virage, la voiture c'était retournée. Je l'échappais belle, car j'avais les jambes sous les accoudoirs, quelques centimètres et j'avais les jambes brisées. Dans la nuit, nous cantonnions dans un bois, avec quelle joie je me laissais aller dans les bras de Morphée.
Cela ne dura que quelques heures malheureusement, car il fallut repartir. Dans l'après midi, nous fûmes survolés par un avion ennemi portant les couleurs françaises, il s'agissait d'un modèle pris en Tchécoslovaquie, tout le monde s'étant mis à lui tirer dessus tant avec nos fusils que les mitrailleuses d'infanterie qu'il fut descendu.
C'était le huit juin, le lendemain, nous retouchâmes une nouvelle pièce. Nous étions installés dans une grande auberge ferme. Nos pièces furent mises en batterie dans le jardin, nous dûmes travailler jusqu'à la nuit car il nous fallait installer un plancher avec des panneaux car nos roues s'enfonçaient dans la terre meuble du jardin. Notre pièce pris la garde à la sortie sud de la ferme, je prenais la première faction volontairement, mon chef de pièce avait repris son poste car il nous avait rejoint la veille au soir. Pinal avait été légèrement blessé au nez par un éclat d'obus durant leur fugue, je leur fis d'ailleurs un accueil plutôt froid, ne pouvant m'empêcher de dire quelques vérités, je demandais même mon changement de pièce au capitaine, qui me blâma et au contraire me confia la mission de rester auprès de mes camarades et d'essayer de redonner un peu d'élan à l'équipe, ce que j 'allais faire par la suite.
A partir de ce jour je n'eus plus sommeil, j 'étais sans cesse en éveil, donc je revins à ma garde, qui se passa sans incident à part la venue d'une estafette du 13ème d'artillerie qui arriva au grand galop sans songer à s'annoncer, je le sommais réglementairement, mais ce messieurs ne s'arrêtèrent qu'au bruit de mon fusil que j'armais, je réveillais mon chef qui le conduisit au capitaine, peu après j'allais me reposer à mon tour, il était minuit.
A l'aurore du neuf juin, nous fûmes réveillés en hâte. Aussitôt on nous donna un beau tas de munitions et ce fut un tir à volonté de toute beauté, c'était notre premier engagement à la pièce. Tout avait marché à merveille, mais nous devions abandonner la place une heure après car l'ennemi tentait de nous encercler. Seule la vaillante « 4ème pièce » restait pour protéger notre retraite, ce ne fut pas sans un serrement au coeur que nous les quittâmes, mais heureusement une demi heure après ils nous rejoignaient sains et saufs.
Dans l'après midi, nous recommencions la séance, cette fois nous étions sous des pommiers en lisière d'un bois, nous avons tiré là à peu près une demie heure, et à nouveau repli, nous passions là un drôle de moment, l'on nous avait donné un certain nombre d'obus a tirer, et nos caissons étaient repartis. Seuls étaient restés à proximité les avant bain des pièces, donc le tir terminé les pièces purent repartir. Seuls les servants des caissons restèrent sur le terrain avec la mission de charger les douilles dans les cages à poule au retour des caissons et ceux qui ne pouvaient être emmenés devaient être enterrés.
Nous n'étions pas rassurés car quelques temps avant le départ de la batterie, une équipe d'éclaireurs partis en avant avaient été plutôt mal accueillis, aussi nous ouvrions l'oeil. Aussi ce fut avec un grand soulagement que nous vîmes nos voitures arriver, ce fut vite fait, il n'y eut pas de fainéants. Vers quatre heures de l'après midi nous traversions Coinci ou Cracy je ne me souvient plus très bien, nous étions à douze kilomètres de Château-Thierry. Ce gros bourg était lamentablement dévasté, l'affaire avait eut lieu le matin même. Une pauvre vieille gisant sur sa brouette où elle avait entassé ses pauvres bagages, morte par commotion ; un peu plus loin nous passâmes sous un pont de chemin de fer, les sapeurs du génie se préparaient pour le faire sauter.
Nous cantonnions se soir là dans un château à Lizy. Le dix, la situation devenait critique : nous allions en zigzag comme les lapins. Nous primes une route invraisemblable, plus de repos, ce fut successivement le passage de la Marne à Poissy, une mise en batterie à la place du 13ème où nous manquions d'être faits prisonniers, Crécy, la Ferté Gaucher, Sézanne, Arcis, Anglure, Nogent où nous passons la Seine, Bray, nous passons ensuite à proximité de Montereau, Pont sur Yonne où nous traversons l'Yonne, le spectacle est lamentable ce ne sont que des fantômes que nous voyons, fantassins harassés par les marches forcées.
Quelques minutes de marche, une colonne auto nous double. Je crois reconnaître mon beau frère. Je le hèle, mais il ne me reconnaît pas ou ne m'entend pas, que de tristesses. Nous entendons une détonation sourde, c'est le pont que nous venons de passer qui saute. L'ennemi est sur nos talons, nous sommes le quatorze. Des réfugiés plein les routes, nous apprenons que les allemands sont à Paris. Reynaud lui prétend que nous nous défendons victorieusement nous allons doucement parfois marchant à pieds, car il y a des manquants dans les attelages, Lorrez, Sarppes, nous allons vers Orléans. Le 16 nous revenons ; j 'ai oublié de mentionner Villeneuve la Guyard, ou un bombardement des italiens fait des victimes parmi les civils le 14.
Donc le 16 nous revenons. Montargis, Bellegarde, nous marchons au pas, mélangés aux civils, un kilomètre par heure, de nombreux arrêts, un spectacle de dévastation. Des voitures de toutes sortes étaient renversées et vidées de leur contenu sur les fossés. Le 17 même tableau. Au début de l'après midi. Sully, le port est endommagé nous dit on, il faut pousser vers Gien pour passer la Loire. Lavastrou boit un coup de trop qui lui est néfaste, il veut sauter sur une pièce, tombe et passe dessous, il a le visage abîmé par le bouclier et un poignet handicapé. Nous abreuvons les chevaux, un coucou nous survola, mauvais signe.
Nous trottions sur la route lorsque tout à coup une mitraillette crépite a notre gauche en provenance d'un bois distant d'une vingtaine de mètres de nous. Quelques balles passent autour de nous, gros émoi, le capitaine donne l'ordre au servants d'aller vers le fossé de gauche et de marcher en surveillant le bois pendant que les attelages continuent leur route avec les chefs de pièces. Notre capitaine a pris le commandement des artilleurs fantassins, tout à coup, Lukasik à dix mètres derrière moi pousse une exclamation et tire, l'oiseau vert et la mitraillette descendent comme une masse de l'ombre où il était perché. Beau coup de fusil pour le premier, cher Lukasik.
Nous arrivons à l'instant le plus cruel de ma vie. Nous gravissions la côte qui aboutit a Dampienes quatorze kilomètres de Gien, arrêt, un side-car monté par trois officiers allemands nous arrête, palabre avec nos officiers. Le lieutenant Bergargnan passe et nous ordonne de rester calme, l'armistice est signé « paraît-il » un vieillard se meurt dans une voiture a côte de nous, la nouvelle lui apporte un peu de sérénité. De nouveau le lieutenant, cette fois il veut rendre inutilisable le matériel, ensuite ces messieurs sortent de toutes parts et ils enjoignent de monter vers le haut de la colonne, c'en est fait nous sommes KG à neuf heures et demie du soir, 17 juin 1940.
Notre calvaire et celui de la France ne fait que commencer. Le 18 nous commençons notre marche en arrière, longue cohue de six mille hommes, restes de trois divisions, la 41ème, la 27ème et la 9ème Nord-africaine à laquelle nous appartenions. Une journée de de marche sans ravitaillement, nous cantonnons pêle-mêle dans une prairie gardée par les mitrailleurs ennemis, le lendemain nous arrivons dans un camp construit à l'usage de nos gardiens, nous y restons quelques jours.
Nous étions à trois kilomètres de Montargis, nous reprenons la route, Beaune la Rolande, nouvelle étape, deux jours d'arrêt. Notre capitaine est averti que sa femme a été blessée au cours du bombardement de Fontaineblau, nos officiers nous quittent. Nemours, puis le 23 Montereau, où l'on nous installe d'abord sur un terrain de sport, puis à l'usine de câbles électriques SILEC ensuite Simenfers.
Pendant ce temps la dysenterie fait des victimes, j'en suis atteint, quelques jours plus tard. Je suis envoyé à l'hôpital le 28, situé aux écoles communales. Un peu de paille sous les reins, rien aux pieds c'est tout ce dont on dispose pour s'isoler du carrelage pour des malades !... Enfin après être passé par un moment critique je me remets. La moitié de juillet est passé, je vais à la corvée de munition comme convalescence, ce n'est pas mal, tout ça pour essayer d'avoir un plus de soupe, car l'ordinaire se compose d'une cuiller de pâtes ou de haricots dans une louche de bouillon, avec un cinquième de boule pour une journée, à trois ou deux reprises nous aurons un peu de vin.
Je ne pèse plus à l'époque que 49 kilos tout habillé, malgré tout le moral reste assez bon, des bruits de libération courent, pour le 15, grande joie, je reçois une carte de ma petite fiancée et un colis de mes parents, une autre lettre de mes parents sur la fin du mois et nous voilà tout à coup en émoi, un après midi, des tables sont installées dans la cour, on se fait inscrire par ordre alphabétique. L'on nous donne un carton : front stalag 125. et un numéro de matricule. Ce sont les préparatifs de libération disent les uns, d'autres le voyage en Allemagne pour deux mois.
Ceux-ci eurent raison, mais les deux mois firent des petits. Donc le dimanche premier septembre, à huit heures et demie la moitie de l'effectif doit descendre avec ses bagages. Ils partent, l'émotion est grande, à une heure et demie, c'est à notre tour. On nous mène à la gare, l'émotion est grande dans la population, les femmes pleurent, nous embarquons par fraction de cinquante dans des wagons à bestiaux. Nous recevons trois jours de vivres, composées de boîtes de pâté et de jambon fumé, miracle, car depuis deux mois et demi nous n'avons rien vu de pareil, certains ont encore des illusions, nous descendons vers Dijon mais dans la nuit changement de direction nous remontons vers Vesoul, dans la nuit quelques évasions.
Nous passons Belfort où beaucoup de gens sont en larmes en nous voyant, des femmes nous ravitaillent malgré les cris de nos gardiens. Strasbourg, là aussi la population est triste, pauvre province, que de souffrance aurez-vous encore enduré au cour de cette guerre. Nous franchissons la frontière « un pincement de coeur ». L'exil va commencer pour combien d'années?...
Nous passons à Mayence, Mannheim, Francfort sur Maine, Nurzbourg, et le trois septembre nous arrivons enfin à Hammelbourg, à notre arrivée en gare, les enfants allaient nous chercher de l'eau dans nos bidons, l'accueil était cordial. Il est vrai que nous sommes en Bavière, l'une des plus belles et des plus accueillantes provinces d'Allemagne. Nous eûmes du mal à avaler la côte de cinq kilomètres pour grimper au camp de prisonniers qui est en même temps caserne et camp d'entraînement.
Je mangeais le soir même trois gamelles de rata, pommes de terre, orge et hachis de viande, ce fut un véritable festin, ce premier jour fut bon. Cela devait durer quelques jours, car après être passé aux douches, nous passions à la fouille. Là nous sommes dépouillés de la plus grande partie de nos bagages ramenés de France, couteaux, rasoirs, stylos, papiers etc.... Chose absurde car peut de temps après, on nous vendait ces mêmes objets à la cantine du camp.
Donc le six nous sommes affectés, pour moi aux ateliers de réparation d'habillement du stalag, la plus grande partie des camarades prirent la direction des kommandos soit en ferme ou en usine. Pour moi la situation était bonne, ce qui manquait c'était le courrier, il arriva en novembre, cela nous redonna un meilleur moral. Les colis allaient suivre, ainsi que ceux de la croix rouge ; nous allions passer notre premier Noël de captivité, il fut assez gai. concert l'après midi et le soir nous eûmes l'autorisation de rester jusqu'à une heure du matin, à minuit l'orchestre exécuta les hymnes Français et Belges.
Il est vrai que c'était le début de la « collaboration » et où à l'époque ses messieurs nous firent beaucoup d'amabilités, je faillis me laisser prendre au piège. Je restais sous cette influence jusqu'en 1941. Ils nous bourraient de feuilles et livres de propagandes et en effet les apparences prêchaient pour eux.
La guerre se déclenche tout à coup avec la Russie, là je fus un peu perplexe, mais je pensais à toutes les machinations étrangères. Ce fut un des chocs pour tout le monde l'armée Allemande allait de succès en succès, l'écrasement Russe c'était la certitude de l'hégémonie allemande sur le monde.
Je travaille pour le théâtre, nous allons d'amélioration en amélioration, notre deuxième Noël, c'est-à-dire 41-42 fut assez gai, nous étions organisés, il y eux concerts, théâtre, messe de minuit, et tout le monde fut un bon gueuleton, aux ateliers il fut particulièrement copieux et arrosé, cette première année passa assez vite. Voilà 1942 triste année qui commençait. J'allais être obligé de changer d'opinion sur nos gardiens, les nouvelles venant de France n'étaient pas flatteuses pour eux, mais alors où cela s'aggrave c'est à l'arrivée des prisonniers Russes.
Je reverrais toujours ces choses, il y avait là des hommes de tous âges, depuis quatorze ans jusqu'à soixante, mourant de faim, frappés avec la plus grande férocité par ces brutes bornées, le typhus fit bientôt son apparition, ce fut bientôt un spectacle navrant, jour et nuit un tombereau traîné et poussé par des russes fit la navette entre leur camp et le cimetière. Si l'on peut l'appeler ainsi, car il n'étais pas question de tombe : d'abord le transport des corps est déjà édifiant, le tombereau servait au transport des vidanges des latrines du camp ; les corps y étaient entassés pêle-mêle nous voyons parfois les bras et les jambes pendre par-dessus les ridelles, il était tiré par des moribonds, à un tel point qu'il y en eu qui moururent sur le bord de la tranchée où ils jetaient les corps de leurs camarades.
Le cimetière était sous un petit bosquet au milieu de la prairie à cinquante mètres de notre camp, une civière servait pour le transport de la voiture à la tranchée. On y plaçait les corps deux à la fois, plutôt ils étaient jetés de dessus la voiture dans la civière, que l'on renversait ensuite dans la tranchée. Nous entendions le floc sinistre des corps qui tombaient. Voici pour les morts, pour ceux qui travaillaient, la situation était cruelle. J'en vis s'écrouler sous la charge de peines qu'ils transportaient, pour relever l'homme un violent coup de crosse sur la tête et tout était fini on emmenait le cadavre à la tranchée, on lui enlevais ses vêtements, car tout les morts étaient mis nus dans la terre, un peu de chaux vive et de la terre dessus.
Je fus complètement écoeuré, car des hommes qui se disent socialistes ne peuvent faire ces choses. Cela dura jusqu'au milieu de l'été, des milliers d'hommes périrent, par la suite il y eu du mieux. D'un autre côté de nombreux camarades revenus de kommandos se plaignirent de mauvais traitements. La strafe compagnie à côté de nous était dirigée par un sous-officier barbare, de nombreux camarades furent dirigés à l'infirmerie après être passés dans ses mains. Je l'ai vu se précipiter sur les hommes qui frapper au sol et les happer à coup de pieds dans le dos pour les obliger à toucher le sol en rampant réellement. Ce fut une triste propagande, à l'époque ils étaient à Stalingrad, malgré tout ils avaient été stoppés à Moscou.
J'avais compris toute la situation, c'est a partir de ce moment que je devins hostile a cette clique, quoique je ne leur fis jamais de propagande, mais depuis c'est le contraire. Novembre 42, mois triste ordinairement fut gai pour nous et triste pour nos gardiens car Stalingrad marquait l'apogée du régime et le début de sa chute, beaucoup d'hommes comprirent en ce pays.
En Afrique la situation était liquidée le jour où les américains débarquèrent, 1942 se terminait sur un jour meilleur, j'avais participé à plusieurs tournées de nos spectacles a Schweinfürt et Würzbourg. Je vis là aussi les deux visages de l'Allemagne, d'un côte les riches et la propagande, de l'autre sa misère, ses quartiers ouvriers peu soignés, ses travailleurs surmenés mais sous-alimentés. J'entendais parfois leur plainte et même la haine pour les mercenaires du parti.
De France, j'appris que mon beau frère était en concentration, ce qui me les fit apprécier encore mieux. J'étais toujours au camp après avoir fait un séjour d'un mois à Schweinfürt du 7 juillet au 12 août. Le noël 1942-1943 fut beaucoup plus gai, le matin surprit beaucoup de gens encore en fête, le moral était bien relevé. Nous envisagions 1943 avec beaucoup d'espoir même certains voyaient la fin avec certitude, c'était aller vite et sous-estimer la force de l'ennemi. Malgré tout il y avait beaucoup d'améliorations et la défaite allait se confirmer par la suite.
Au début 1943 en février je vins en tournée a Schweinfürt à l'usine Cugel-Ficher. Les camarades se plaignaient beaucoup. Beaucoup trop d'heures de travail pour la nourriture extrêmement maigre, la guerre obligeait les allemands de faire rendre le maximum à leurs usines de guerre. Quelques temps après, c'est-à-dire le 26 mars, je quittais le camp pour la deuxième fois pour venir à Kitzingen ou je suis de reste encore au moment où j'écris ces lignes, heure où nous venons de fêter le noël 1943-44. Donc je reviens à 1943.
Cette année bien commencée ne nous apporta pas la fin de la guerre, mais il y eut beaucoup d'événements capitaux. d'abord le recul en Russie qui prenait l'allure d'une déroute, la plus grande partie du terrain perdu fut reconquis, il y eut de grandes et sanglantes batailles qui ramenèrent le front sur le Nieper et en avant de Kiev.
En Afrique, les allemands et italiens durent abandonner le continent noir, leur « roi du désert » était battu, et l'on assistait au mois de juin, au débarquement en Sicile, en juillet, en Italie du sud, la situation resta stable par la suite mais l'on parlait beaucoup du débarquement à l'ouest, il y eut la tentative de Saint-Nazaire puis Dieppe, mais sans réussite. Les allemands firent beaucoup de tapage avec le mur de l'atlantique, leur aviation ne faisait plus beaucoup d'éclat, les sous-marins devaient rentrer à la base et ne plus sortir sous peine d'aller au fond.
L'année se termina en donnant les plus grands espoirs et nous fêtions la Noël avec un moral au plus haut point. Il y eut une grande gaieté, table bien garnie, et bien arrosée, le matin nous trouva bien échauffés. Le « potten » qui nous gardait cette nuit là fut de la fête et n'en croyait pas ses yeux, il doit à l'heure présente se le rappeler ce Noël 43-44, car à l'heure actuelle, il est sur le front. C'était un chic type, ce Karl. Un autre qui était avec nous y est là aussi, Frantz, il fut pour moi un camarade.
Maintenant nous voici sur les derniers jours de 1944, année fertile en évènements. Elle ne nous aura pas, elle non plus, donné la paix, mais je crois que ça ne traînera plus. La première partie s'annonçait calme, il y eut bien au début une nouvelle avance dans le nord et au centre du front est. Ils arrivent même au nord vers la frontière, les bombardements s'intensifièrent sur l'Allemagne et la France, lorsque tout à coup en mai, les anglo-américains et les français déclenchaient l'attaque en Italie mais cela n'allait pas vite.
Par ailleurs en France, on ramassait les suspects au régime. Mon beau frère en fut victime cette fois ci encore. Le 3-4 mars il prenait la carte d'Allemagne, cela faisait prévoir l'orage.
Fin mai je recevais une carte de ma petite fiancée, me demandant le mariage par procuration. Le six juin je montais donc au camp pour me marier, drôle de jour. J'y apprenais l'après midi, à trois heures par radio la prise de Rome. Le lendemain à une heure de l'après midi nous avions la plus grande nouvelle, celle du débarquement. Là nous allions vivre pendant quelques temps la fièvre de l'attentat. D'un plus gros évènement, je me rappellerais toujours ces journées, il y avait de l'inquiétude mêlée à la joie, joie d'entrevoir enfin la fin du cauchemar du monde.
Le vingt-deux, nouveau coup de théâtre, les Russes déclenchant une gigantesque offensive, ils piétinent quelques jours, puis vient une marche à pas de géants qui les portent aux frontières de la Prusse, au centre de la Pologne, à la Slovaquie et ils pénètrent au sud en Roumanie. Cela nous amène en juillet. Les anglo-américains vont s'élancer après s'être concentrés en Normandie.
La Montgoméry se retrouve devant le roi du désert, il le bat cette fois encore après une diversion au nord par les anglais en direction de Paris. Les Américains partent vers le sud, Avranches, Saint Malo, le huit, Rennes, Le Mans, Laval, Nantes le vingt-huit. La débandade commence pour les Allemands, car le maquis s'est mis de la partie, tout s'y met car voici que les français débarquent à leur tour en Méditerranée, c'est la catastrophe pour l'ennemi. Notre joie est grande, août voit la bataille en Belgique, puis la Hollande.
Depuis il n'y a plus en de grandes modifications de ce côté, sauf la libération de l'Alsace et de la Lorraine fin novembre. A l'est, coup de théâtre, les roumains virent leur veste. En août les bulgares les suivent, vient ensuite la libération de la Serbie, les Anglais débarquent en Dalmatie et gagnent la Grèce, la Hongrie essaie de « viodates » le cap de Roumanie mais l'affaire s'est éventée, il n'y a qu'une partie de l'armée qui passe de l'autre côte, néanmoins une bonne partie de l'année le pays est occupe.
Depuis deux mois le calme régnait à peu près sur les deux fronts, lorsqu'aux environs du vingt de ce mois ci, les Allemands déclenchaient une violente offensive sur un front de cent kilomètres. Ils ont avancé jusqu'en Belgique sur plus de cent kilomètres, ce qui a assombri les fêtes de Noël pour nos camarades belges, tout en ne donnant pas d'inquiétude sur l'issue de cette réaction, d'ailleurs la suite de la bataille nous a donné raison car à l'heure actuelle la situation vient de se renverser et s'est au tour de ces messieurs d'être encerclés.
D'un autre côté les russes encerclent Budapest et sont aux portes de l'Autriche. L'on s'attend à des évènements importants d'ici peu. Donc cette année se termine sous un bon jour après avoir été fertile en évènements de première importance, elle nous aura apporté de grandes joies, et cela nous fait bien augurer de l'avenir, pour nous l'espérance a grandi.
Dès maintenant nous envisageons la fin de ce cauchemar et nous pensons à nos familles qui éprouvent ces mêmes sentiments après avoir souffert pendant cinq ans, il est permis au monde d'entrevoir la Paix prochaine, il y en a tant besoin, que de blessures à penser, que de ruines à effacer, d'injustice a rétablir car pendant que des milliers d'hommes tombaient, que d'autres souffraient dans leurs chairs, que tant de mères et de fiancées pleuraient, d'enfants se trouvaient privés de bien-être, d'autres se gavaient de tout et remplissaient leurs corps, certains les plus hideux trahissaient et vendaient leurs frères.
Je pense à tous les malheureux qui ont été fusillés, victimes des lâches qui osent se parer du nom de patriotes, à tout ceux qui souffrent dans les camps de concentration, heureusement 1945 mettra fin à tout cela. Je pense ce soir 31 décembre 1944 à ma petite fiancée que je n'ai plus revu depuis bientôt cinq ans. Son image présente sans cesse à mon esprit, a été pour moi le rayon de soleil bienfaisant qui aura éclairé ma longue captivité et contribué à maintenir en moi l'espérance en la vie, à garder le moral élevé, à me donner la force de tout supporter.
Je songe à ma pauvre Maman qui aura passé tant d'anxiétés, tant de souffrance, ainsi qu'à mon père, qui aura tant travaillé pour faire vivre tout son monde, il n'aura pas été épargné lui soldat de 14-18 qui avait déjà tant donné de lui-même et toi Petite Marinette qui à été si courageuse, que tous enfin qui m'êtes si chers, ayez la force d'entrevoir pour bientôt la fin de vos malheurs, les beaux jours approchent ou vous verrez le retour de ceux que vous attendez depuis si longtemps, bientôt nous serons de retour n'est-ce pas cher Edouard et où à notre tour nous pourrons vous apporter un peu de joie, que nous pourrons donner notre force et nos bras pour établir un peu de bonheur sur notre foyer tant malmené au milieu de cette grande tourmente que nous espérons être la dernière.
Nous avons ici en notre kommando, passé les fêtes de Noël, dignement, la gaieté a été sur nous toutes ces journées, l'espoir était sur tout les fronts, nos pensées se portaient souvent vers nos pays de France et de Belgique et nous y puisions notre réconfort et au seuil de 1945 nos forces sont grandies et je peux dire que quoi qu'il arrive nous sommes surs de passer le cap. Il y aura sans doute des privations, mais bientôt notre nacelle entrera au havre de paix.
Je termine ce long résumé de cinq années de captivité que j'ai reconstitué en quelques jours, avec l'espoir qu'il servira à quelque chose, après cette maudite guerre. Je noterais à l'avenir les évènements de 1945 de jour en jour.